C’est le plus petit, le plus rural et le plus préservé des pays d’Asie du Sud-Est. Longtemps resté à l’écart du monde en raison de sa position enclavée, le Laos a conservé ses trésors culturels et naturels. Si le « Pays du million d’éléphants et du parasol blanc » est privé de façade maritime, il est baigné sur plus de 81800 kilomètres par les eaux nourricières du Mékong.
Telle une colonne vertébrale, la « Mère des eaux » irrigue les champs et les rizières et sert de voie de communication entre les villes et les villages. Par endroits, le temps semble s’être arrêté à l’époque de l’Indochine. Ainsi Luang Prabang, lovée sur une péninsule au confluent du Mékong et de la rivière Nam Khan, charme les visiteurs par sa nonchalance.
L’ancienne capitale royale est la première destination touristique du pays. Elle garde néanmoins son âme. On s’y balade à pied ou à vélo sur l’artère principale où s’alignent de nombreux temples bouddhistes, dont le somptueux Wax Xien Thong avec ses façades ornées de mosaïques. Toutes les ruelles mènent au fleuve ou à la rivière, enjambée par d’éphémères passerelles de bambous montées chaque année à la saison sèche. Pendant la mousson, quand se gonflent les eaux boueuses chargées de limon du Mékong, seuls les bateaux long tail permettent la traversée. Partout les maisons coloniales ont été transformées en boutiques d’artisanat, en hôtels cosy et en restaurants.
Procession de robes safran
À Luang Prabang, la vie s’écoule à un rythme immuable. À l’aube, il ne faut pas manquer la traditionnelle tradition du tat bak. Tous les matins, au lever du soleil, des bonzes en robe safran, venus des nombreux monastères de la ville et des alentours, défilent en procession pour recevoir les offrandes des fidèles. Ils récoltent ainsi leur repas du jour, des boulettes de riz gluant.
Un moment hors du temps, même si cette tradition est troublée par le nombre grandissant de touristes. On s’offre ensuite un petit-déjeuner à la boulangerie française Le Banneton, qui confectionne baguettes, croissant et pains au chocolat, avant de visiter le marché du matin. Derrière le palais royal, reconverti en musée national, les étals maraîchers et les stands de nourriture et d’épices rivalisent d’odeurs et de couleurs.
L’après-midi est propice à une escapade aux chutes d’eau du Kuang Si, à une heure de route de Luang Prabang, dans la jungle luxuriante. L’eau descend en cascades sur des formations calcaires dans lesquelles elle a creusé des bassins turquoise qui servent de piscines naturelles. Dans le village en contrebas, les petits Laotiens s’ébattent nus quand les touristes se baignent et font des selfies au-dessus, dans les bassins les plus photogéniques. Certains sont interdits à la baignade pour les préserver. À l’entrée du parc, on observe des ours noirs d’Asie en captivité, sauvés des braconniers qui les chassent pour leur bile, réputée dans la pharmacopée chinoise.
Dans les grottes des pèlerins
L’autre excursion prisée consiste à rejoindre les grottes sacrées de Pak Ou en remontant le Mékong en bateau de croisière. Nichées dans une falaise calcaire, elles recèlent des milliers de statues de Bouddha déposées au fil des siècles par les pèlerins.
La grotte inférieure, Tham Ting, est la plus accessible et offre un beau panorama sur le Mékong, en plus de la diversité de statuettes sacrées. La grotte supérieure, Thal Phum, reste plongée dans le noir et nécessite une lampe torche pour admirer les statues dorées à taille humaine. Au coucher du soleil, les eaux du Mékong prennent des allures d’or liquide sur lequel les silhouettes des pirogues « longues queues » des pêcheurs se détachent en ombres chinoises.
Sur les rives, les luxueux bateaux de croisière qui rejoignent Vientiane en cinq jours de navigation sont à quai pour la nuit. Depuis que le Laos s’est converti à l’économie de marché il y a une dizaine d’années, le nombre de barrages chinois sur le Mékong et ses affluents a explosé, rendant la navigation plus aléatoire, voire impossible sur certaines portions du fleuve. Du coup, il est préférable de rejoindre la capitale laotienne par avion.
Comparée aux autres capitales effrénées d’Asie du Sud-Est, Vientiane passe pour une ville de province assoupie. Elle ne manque cependant pas d’attraits culturels et de bonnes adresses gastronomiques. Elle abrite notamment le Pha That Luang, un grand stupa sacré de 45 mètres de hauteur recouvert d’or qui renfermerait une relique de Bouddha. Le monument est si vénéré qu’il est devenu l’emblème national et figure sur les billets de banque.
Il faut aussi se promener avec la Thaïlande sur l’autre rive, et dans le centre ville historique. On perçoit encore par endroits l’influence française du temps ou Vientiane était la capitale du protectorat. Preuves que la France est restée chère au cœur des Laotiens, il n’est pas rare de croiser des locaux concentrer jouant à la petang et des francophones plutôt âgés, avides de communiquer.
Entre Bouddha et Ganesh
Autre vestige de l’occupation française, Paksé est une bourgade bâtie en 1905 dans le sud du pays, devenue la porte d’entrée vers l’archipel des 4000 îles et le Vat Phou. Ce temple khmer pré-angkorien, certes moins imposant que l’ensemble d’Angkor Vat au Cambodge, date du XIIe siècle. Ses vestiges des cultes hindouiste et bouddhiste s’enchevêtrent dans une luxuriante jungle de fromagers, de frangipaniers et de manguiers.
Il faut s’y rendre à l’aube, avant la chaleur et les cars chinois et thaïlandais. On s’y perd alors, tels les explorateurs d’autrefois, entre des statues de Bouddha et de Ganesh abritées sous les frondaisons, des bas-reliefs ornés des danseuses célestes Apsara enfouies dans la mousse, et les offrandes de bougies et de fleurs disséminées par les fidèles. En aval, à la lisière de la frontière cambodgienne, le Mékong prend ses aises et s’élargit sur 14 kilomètres en de multiples bras et canaux pour façonner l’archipel des 4000 îles et ses impressionnantes chutes d’eau.
À Khone Pha Peng, on trouve les chutes les plus spectaculaires d’Asie du Sud-Est, une sorte de mini-Niagara. Au milieu des eaux rugissantes, des pêcheurs escaladent de précaires échafaudages de bambou pour relever leurs nasses où sont piégés poissons-chats et silures. Non loin, l’île Don Khon où la vie s’écoule lentement contraste avec la fureur du fleuve, et offre une ultime et paisible étape.
On s’y déplace à vélo entre rizières et vergers, et on y réside dans des guest houses au charme d’antan. L’illustration même de langueur chère aux Laotiens qu’évoquait André Malraux quand il parlait de « la nonchalance voluptueuse du Laos » .