Sur la route des fjords norvégiens


Panoramas grandioses, fjords majestueux et routes impressionnantes : il est difficile de ne pas user de superlatifs pour évoquer l’Ouest norvégien. Les routes tortueuses plongent sous des bras de mer par des tunnels profonds, les enjambent par des ponts vertigineux ou les traversent grâce à des ferries à la ponctualité toute nordique. La région entre Bergen et Ålesund en offre une parfaite illustration, grâce à son réseau de routes nationales touristiques très bien balisé.

Parton de Bergen, sans nul doute la plus belle ville du pays, la plus visitée aussi, à voir le nombre de touristes qui, sous des trombes d’eau, mitraillent les maisons en bois à pignon le long du quai Vågen. Le quartier historique de Bryggen a été l’un des premiers à être inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 1979. Mis à part les boutiques de souvenirs qui occupent les maisons de marchands, rien n’a changé depuis le Moyen Âge.

Bergen était alors un comptoir de la Hanse teutonique et la capitale de la Norvège. La soixantaine de maisons en planches brutes a été reconstruite après l’incendie de 1702. Pour retrouver l’ambiance du port, promenons-nous dans les ruelles étroites, appelées smau, et les sombres passages. Le musée de la Hanse montre les rudes conditions d’antan, et celui, adjacent, de Schøtstuene, recrée l’atmosphère des salles de réunions de marchands.

De montagnes en prairies

Pour échapper un peu à la foule, empruntons le funiculaire Fløbaneen. Depuis le sommet du mont Fløyen, le panorama embrasse la ville, les montagnes et la mer. Dès la sortie de Bergen, la route donne le ton du voyage : elle serpente le long de l’eau, traverse des prairies verdoyantes où sont posées ici et là des fermes aux couleurs vives, longe des cascades avant de s’enfoncer dans une succession de tunnels creusés dans les montagnes.

En deux heures, rejoignons la petite ville de Flåm qui ouvre les portes du Sognefjord, le plus profond (1 308 mètres) et le deuxième plus long du pays (203 kilomètres). L’un de ses bras, l’étroit Nærøyfjord, éblouit par ses parois abruptes, qui s’élèvent par endroits à plus de 1 000 mètres. Nous sommes sur la route touristique d’Aurlandsfjellet, surnommée la « route des neiges » pour sa couverture blanche même en été.

Au point de vue panoramique de Stegastein, une plateforme s’avance dans le vide. Le fjord se trouve alors 650 mètres en contrebas. Il faut ensuite traverser le Sognefjord en ferry. Sur l’autre rive, la route longe un autre bras du fjord où le ciel, la montagne et les villages se confondent dans les reflets de ses eaux profondes. Puis elle grimpe vers le passage de montagne le plus élevé d’Europe du Nord (1 434 mètres d’altitude). Sur un haut plateau, le paysage est lunaire et rocailleux, nimbé de glace, de chutes d’eau et de lacs aux eaux limpides.

Il faut prévoir le plein d’essence et des vêtements chauds, même en été, avant de s’aventurer sur cette route isolée. Car le parc national de Jotunheimen (« La maison des géants ») abrite le plus haut sommet du pays, le Galdhøpiggen (2 469 mètres), ainsi que le plus grand glacier d’Europe, le Jostedalsbreen et ses 487 km² de glace. Il suffit d’une pause photo pour être saisi par l’air glacial et devoir enfiler sa doudoune, même en juillet.

En redescendant vers Boverdalen, l’ai se réchauffe, des forêts de conifères et des champs de fleurs remplacent le paysage hivernal. La région est l’un des terrains de jeux préférés des Norvégiens. Ils s’y adonnent à la randonnée, à la marche sur glacier ou au ski en toute saison.

Un relief à couper le souffle

Avant de rejoindre le célèbre Geirangerfjord, arrêtons-nous dans la petite ville de Lom, connue pour son église en bois debout datant du XIIe siècle. La Norvège est le seul pays nordique à posséder des églises en bois debout encore intactes. D’apparence austère, elles combinent, à l’intérieur, motifs chrétiens et vikings. Depuis Lom, la route suit une douce vallée vers le Geirangerfjord avant, une fois de plus, de reprendre de l’altitude.

Depuis le site de Dalsnibba, on a une vue époustouflante sur le village de Geiranger au bout des eaux bleu intense et vert profond du fjord. Pour apprécier la majesté du fjord, autant y naviguer. Ses parois rocheuses presque verticales voient dévaler des chutes d’eau aux noms évocateurs comme De syvs østrene (les Sept Sœurs), Friaren (le Prétendant) et Brudesløret (le Voile de la Mariée). Sur les versants escarpés, on distingue de minuscules fermes abandonnées. Comment des hommes ont-ils pu élire domicile sur un terrain aussi hostile ? On aperçoit aussi les lacets serrés de la route des Aigles, qui a désenclavé le village de Geiranger en 1955.

Le voyage réserve encore des sueurs froides avec la vertigineuse Trollstigen, littéralement « l’échelle des Trolls », qui serpente le long de la plus haute paroi verticale d’Europe. Les étroits virages en épingle à cheveux, simplement protégés par des murets en pierre, ne permettent pas de s’y crosier. Les véhicules passent donc chacun à leur tour. Lorsqu’il s’agit d’un bus touristique, mieux vaut se trouver dans le sens de la descente contre la paroi, plutôt que suspendu au-dessus du vide !

Un avant-goût de grand nord

La route, enfin rectiligne, rejoint le niveau de la mer. La fin du périple approche avec la ravissante ville d’Ålesund. Construite sur une péninsule en forme d’hameçon, la ville doit sa physionomie à un incendie qui la détruisit une nuit d’hiver 1904. Des cendres a surgi une ville nouvelle conçue par de jeunes architectes influencés par le Jugendstil autrichien et le style Art nouveau.

Le résultat est un harmonieux centre-ville fait de bâtiments ou prolifèrent tours, flèches, gargouilles et autres ornements. On gravit les 418 marches de la colline d4aksla pour une dernière vue panoramique d’Ålesund, la côte découpée et les îles plantées dans l’Atlantique. On aperçoit l’Express côtier qui vogue au loin et on rêve déjà de s’aventurer encore plus au nord…